AGRICULTURE CHIMIQUE - UN ENGRENAGE TOXIQUE

Les semences hybrides F1 issues d’un croisement contrôlé entre deux lignées pures, exploitant le phénomène d’hétérosis pour produire des plantes plus productives la première génération (F1), mais dont les descendants perdent ces caractéristiques en F2 en raison de la ségrégation génétique. Ces semences étant brevetées et dégénérées, cela oblige les agriculteurs à racheter des semences chaque année, créant une dépendance totale aux firmes semencières.

En parallèle, ces variétés ont été sélectionnées pour maximiser l’absorption d’azote minéral rapidement disponible, au détriment de leurs interactions symbiotiques avec les microorganismes du sol, notamment les bactéries fixatrices d’azote et les champignons mycorhiziens. Ainsi, elles deviennent incapables de mobiliser naturellement les nutriments du sol et nécessitent des apports massifs d’engrais azotés de synthèse. Ces engrais, dérivés du procédé Haber-Bosch, sont à l'origine du déséquilibre dans le cycle de l’azote, entraînant des pertes importantes sous forme de nitrates lessivés, contribuant à l’eutrophisation des milieux aquatiques et à la volatilisation de protoxyde d’azote (N₂O), un puissant gaz à effet de serre. De plus, la majorité de ces semences hybrides proviennent d’une appropriation des patrimoines génétiques des agricultures traditionnelles du Sud global, comme l’a mis en évidence Vandana Shiva, plutôt que d’une réelle innovation.

PESTICIDES AGRICULTURE CHIMIQUE
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HYBRIDES & ENGRAIS DE SYNTHÈSE

Le triptyque semences hybrides F1, engrais azotés de synthèse et pesticides constitue un cercle vicieux qui altère profondément le fonctionnement écologique des agroécosystèmes.

Or, en cultivant des clones génétiques identiques sur de vastes étendues, les grandes cultures d'hybride F1 amplifient la vulnérabilité des cultures : un seul pathogène adapté peut provoquer des épidémies dévastatrices simultanées sur des milliers d’hectares. En réponse, l’usage massif de pesticides détruit non seulement les ravageurs ciblés mais aussi leurs prédateurs naturels, tels que les parasitoïdes et les prédateurs généralistes (coccinelles, araignées, syrphes).

Ce phénomène, décrit comme le pest resurgence, entraîne une prolifération encore plus importante des ravageurs, nécessitant des doses croissantes de pesticides toujours plus toxiques. Par ailleurs, la pression de sélection exercée par les pesticides favorise l’émergence de populations résistantes, nécessitant des formulations toujours plus puissantes et toxiques, créant ainsi un cycle infernal et sans fin d’amplification des ravageurs et donc de pesticides.

PESTICIDES AGRICULTURE CHIMIQUE
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"RAVAGEURS" & PESTICIDES DE SYNTHÈSE

Cette intensification agricole engendre ses propres ravageurs par la rupture des régulations écologiques qui existent dans les écosystèmes diversifiés. La monoculture offre un habitat idéal aux phytophages spécialisés qui trouvent une abondance de nourriture homogène et continue sur de vastes surfaces, supprimant les mécanismes de dilution des populations de ravageurs présents dans les systèmes agricoles et les écosystèmes hétérogènes. En écologie fonctionnelle, il est bien établi que les pathogènes et les herbivores jouent un rôle de sélection naturelle en éliminant les plantes stressées ou génétiquement vulnérables, contribuant ainsi à la résilience globale du système.

APPROPRIATION DES AGROSYSTÈMES & APPAUVRISSEMENT

Derrière cette transformation de l’agriculture, on assiste à une dépossession systématique des agriculteurs de leurs écosystèmes et de leur autonomie décisionnelle. La dépendance aux semences brevetées et aux intrants agrochimiques verrouille les exploitants dans un modèle productiviste dicté par des multinationales, réduisant leur capacité à expérimenter, à sélectionner des variétés adaptées localement et à gérer leurs exploitations de manière autonome.

PESTICIDES AGRICULTURE CHIMIQUE
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Cette appropriation de la semence, qui est le premier maillon de toute chaîne alimentaire, constitue un levier stratégique de domination, réduisant les pays, les paysans et les citoyens à une dépendance structurelle. Loin d’être un simple modèle économique, cette captation du vivant agit comme une véritable arme géopolitique, transformant l’accès à la nourriture en un instrument de contrôle. Un mouvement qui s'accentue avec la robotisation et l'agriculture de précision.

Au-delà de l'Occident, des États comme l’Afghanistan, l’Égypte ou l’Inde ont vu leur souveraineté alimentaire compromise après l’adoption massive des semences hybrides et des OGM, rendant leurs systèmes agricoles vulnérables aux fluctuations des prix des semences et des intrants chimiques.

Sortir de ce système 
ne peut se faire par de simples ajustements ou réductions progressives des intrants : cela nécessite un changement radical de paradigme, reposant sur la redéfinition des bases agronomiques : diversification des cultures, réintroduction des variétés paysannes, autonomie en fertilisation organique, et donc absence de pesticides de synthèse. Loin d’être un retour en arrière, cette transition vers une agriculture biologique est une nécessité face aux crises écologiques et sociales induites par ce modèle dangereux.

Le maïs, plante tropicale C4 originaire d’Amérique centrale, avec un faible système racinaire en surface, est inadapté au climat français où la saison chaude est sèche, contrairement à son environnement d’origine où chaleur et humidité coïncident. Sa culture intensive nécessite une irrigation massive, surexploitant les nappes phréatiques et aggravant les tensions hydriques. Cultivé en monoculture sur des sols peu rétenteurs en eau avec des pesticides SDHI favorise l’érosion et la désertification.

D’autres cultures spécialisées présentent les mêmes aberrations : le colza exige des sols riches alors qu’il est cultivé sur des terres appauvries nécessitant des intrants massifs, et le blé sélectionné pour ses hauts rendements est devenu incapable de résister aux maladies sans fongicides.

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DRAINAGE & IRRIGATION

L'agriculture chimique s’accompagne d’un contrôle de l’eau. Les marais sont drainés à grande échelle, réduisant les zones humides importantes pour la biodiversité, zones tampon, les exposant drastiquement à la sécheresse. Des réseaux de drains souterrains se généralisent pour éviter l’accumulation d’eau et afin de cultiver toute terre mécanisable. Tandis que l'irrigation devient une norme dans le Sud en arboriculture mais aussi en grandes cultures, aggravant la consommation d’eau dans un contexte de changement climatique.