
PESTICIDES - NARRATIF DE L'AGROCHIMIE
"Les pesticides actuels ne sont toxiques que pour les cibles et se dégradent rapidement." : Les pesticides ont des modes d'action qui visent des fonctions biologiques fondamentales (système nerveux, reproduction cellulaire, synthèse des protéines...) communes à de nombreuses espèces, y compris aux humains et à la faune non ciblée (abeilles, oiseaux, amphibiens...). De nombreuses études ont démontré la toxicité des pesticides pour les pollinisateurs (abeilles, papillons), les vers de terre, les poissons, les oiseaux, les amphibiens et les micro-organismes du sol. Les néonicotinoïdes, par exemple, affectent le système nerveux des insectes et ont décimé les populations d’abeilles, bien qu’elles ne soient pas des « cibles ». Des résidus de pesticides sont détectés partout : dans l’air, l’eau de pluie, les sols, les aliments, le sang humain, le lait maternel… Cela prouve que ces substances ne restent pas confinées à leurs "cibles". Beaucoup de pesticides ont des métabolites et des coformulants persistants.
"Les produits sont rigoureusement testés avant mise sur le marché.", "Les pesticides sont homologués par les autorités sanitaires européennes (EFSA) / françaises (ANSES)." : Les tests sont majoritairement réalisés par les fabricants eux-mêmes. Les données ne sont pas toujours accessibles aux chercheurs indépendants. Des scandales (ex : Monsanto Papers) ont montré des manipulations. L’homologation ne garantit pas l’innocuité puisque les autorités sanitaires ne font aucun test et se reposent sur les données fournies par les fabricants lors des AMM. De nombreuses substances homologuées ont été retirées après des scandales sanitaires.


À PROPOS DE LA NON-TOXICITÉ DES PESTICIDES
"C’est la dose qui fait le poison." : Cette citation de Paracelse est obsolète face à la toxicologie moderne. Certaines substances de synthèse ont des effets, même à doses infinitésimales (perturbateurs endocriniens), et dont la toxicité n'est pas linéaire mais non monotonique. La toxicité dépend également de la durée d'exposition, de la fréquence, du contexte (grossesse, enfance), de l'effet cumulatif (bioaccumulation), du caractère lipophile, et des effets cocktails.
"L’exposition des consommateurs est infime, bien en dessous des seuils réglementaires.", "L’exposition est tellement faible qu’il n’y a aucun danger." : Les seuils sont définis par les autorités en fonction de données fournies par les industriels lors des AMM (autorisations de mises sur le marché). De plus, ces seuils ne portent que sur la substance active et non pas la formule complète, n'intègrent pas les effets cocktails, ni de bioaccumulation, ni la vulnérabilité de certaines populations (enfants, femmes enceintes). L'effet cumulatif, les perturbateurs endocriniens, et l'exposition chronique démontrent que des effets sanitaires peuvent apparaître à de très faibles doses.
"On retrouve aussi des substances toxiques dans la nature, comme l'arsenic ou le cadmium, et dans le café ou le chocolat par exemple." : La présence de toxines naturelles n'a jamais provoqué la moindre extinction, ni de désastre sanitaire global et ne justifie en rien l'utilisation des pesticides de synthèse. La toxicité des pesticides est très différente puisque les substances de synthèse sont difficilement dégradables, ont des niveaux de toxicité extrême. Les produits vendus sont constitués de dizaines molécules chimiques de synthèse qui représentent maintenant des millions de substances et surtout sont déversés dans des quantités phénoménales partout sur Terre. Les toxines naturelles, en revanche, ont un rôle écologique et sont rarement persistantes dans l’environnement.
"Sans chimie, pas de progrès.", "Sans la chimie moderne, on va revenir au Moyen-Âge." : Confusion entre chimie et progrès. Il existe des innovations agronomiques, écologiques et biologiques qui ne reposent pas sur la chimie de synthèse. Critiquer certains usages industriels de la chimie ne signifie pas rejeter toute science. Il s'agit de faire des choix éclairés à propos des risques.
"Même les médicaments sont des produits chimiques." : Les médicaments sont administrés à doses contrôlées, dans un cadre thérapeutique, avec suivi. Les pesticides sont diffusés massivement dans l'environnement, sans surveillance.
"La peur de la chimie est irrationnelle (chimophobie)." : Ce terme sert à discréditer les critiques légitimes. La méfiance envers des substances nuisibles est fondée sur des observations scientifiques et des scandales répétés.


À PROPOS DE LA CHIMIE
"Tout est fait à base de chimie." : Le problème n’est pas la chimie en soi, mais de mettre des produits crées pour tuer du vivant directement et partout dans la nature.
"L’agrochimie est indispensable pour garantir la souveraineté alimentaire." : L'agrochimie crée, bien au contraire, une dépendance aux intrants externes : pesticides, engrais de synthèse et parfois semences.
"Les pesticides ont permis la Révolution verte et sauvé des millions de vies de la famine.", "Les rendements agricoles ont explosé grâce aux pesticides." : Cette révolution a certes augmenté les rendements de céréales et d'oléagineux comme le colza, mais sans jamais réussir à réduire le nombre de personnes souffrant de famine dans le monde (environ 900 millions de personnes). Ces calculs ne tiennent jamais compte des rendements de l'agriculture vivrière, celle-ci n'étant pas documentée et c'est bien l'appropriation des agrosystèmes et de l'alimentation par des firmes qui a créé des pauvres partout dans le monde, là où ceux-ci produisaient auparavant leur propre nourriture sans intrant et n'ayant donc pas besoin de payer pour se nourrir.
"Interdire les pesticides, c’est condamner les agriculteurs à la faillite." : C'est totalement faux comme le montre le compte de résultat ci-contre d'Arvalis (l'Institut technique du végétal pourtant très "conventionnel"). Lorsque l'on n'achète pas d'intrant et que l'on produit ses semences de ferme, les coûts sont extrêmement faibles, ce qui compense très largement la baisse de chiffre d'affaire ou de production, généralement autour de 20%. Interdire les pesticides, c'est donc, bien au contraire, rendre leur autonomie ainsi que leurs revenus aux agriculteurs.
"Les alternatives coûtent trop cher et ne sont pas efficaces à grande échelle." : L'agriculture chimique, en plus de bénéficier de la grande majorité des subventions de notre pays (la PAC est le premier budget de l'Europe), est de loin bien plus coûteuse que l'agriculture biologique, sans compter les coûts indirects sanitaires (santé, éducation), écologiques, de pauvreté et de la recherche scientifique en lien avec les pesticides.


À PROPOS DE LA NÉCESSITÉ AGRICOLE DES PESTICIDES
"On va mourir de faim sans les pesticides.", "Comment nourrir 10 milliards d'humains en 2050 ?", "Sans pesticides, on ne pourra pas nourrir 10 milliards d’humains en 2050." : On produit actuellement de quoi nourrir 11 milliards d'êtres humains mais on jette 30 à 40% de ce que l'on produit. Aussi, la faim est due à des problèmes économiques et d'inégalités ainsi qu'a l'appropriation de l'alimentation, des systèmes agricoles et des semences par des firmes. De nombreux rapports montrent que des modèles sans pesticides peuvent nourrir la population mondiale tout en préservant les écosystèmes. Avec les pesticides on va surtout mourrir tout court, y compris la biodiversité.
"Les agriculteurs sont diabolisés alors qu’ils nourrissent la population." : La critique des pesticides vise les agrochimistes et leurs amis que sont les syndicats agricoles et les agro-industriels, pas les agriculteurs. Beaucoup d'agriculteurs eux-mêmes souhaitent sortir de cette dépendance, ce qu'ils font généralement lorsqu'eux ou leurs proches tombent malades. Les agriculteurs sont largement désinformés par leurs syndicats, les techniciens (commerciaux), les lycées agricoles, les politiques publiques et le narratif autours de l'écologie. Ainsi, si on leur dit que le problème est le climat et les labours, ils se tournent vers du greenwashing qui rapporte toujours plus à leur entourage (syndicats, coopératives, machinistes, techniciens, vendeurs d'intrants, banque agricole).
"Les pesticides sont des médicaments pour les plantes.", "Un champ traité, c’est un champ protégé.", "On soigne les plantes pour éviter qu’elles tombent malades.", "On parle de produits phytopharmaceutiques (PPP), pas de pesticides." : Les pesticides ne soignent pas. Ils tuent et empoisonnent, de manière non ciblée, persistante, au détriment des agriculteurs et de la biodiversité. La santé des plantes passe par une diversité importante, par la santé du sol et des écosystèmes. Les pesticides ne sont pas des médicaments, mais des poisons qui sont inutiles dans un agrosystème diversifié.


"L’agriculture biologique ne pourra jamais nourrir la planète." : Cela fait 12 000 ans que les humains font de l'agriculture et biologique a fortiori, et cela ne fait que 50 ans que l'on met des poisons partout. Il est donc évidemment possible de se nourrir avec une agriculture biologique, déjà parce que de nombreux agriculteurs sont en bio, que toutes les filières existent en bio et que l'on est en surproduction mondiale importante de nourriture. De manière globale, les pesticides ont plutôt permis de linéariser la production, là ou il existait une variation naturelle et normale dans la production. Le Vivant, tout comme le climat, est variable, et on parle de cycles de 3 ans en agriculture : une excellente année, une année moyenne et une mauvaise année.
"On n’a pas encore trouvé mieux pour lutter contre les parasites et les maladies." : Le rôle des "parasites" ou la présence de parasites, est due à un déséquilibre dans l'écosystème (uniformisation spécifique, variétale et génétique) puisque les parasites sont un indicateur de l'état de "souffrance" d'un écosystème et servent à réguler ces derniers. Le problème, sans aucun doute, est l'absence de (bio)diversité. Aussi, les pesticides suppriment les prédateurs et induisent une résistance, renforçant ainsi de manière très importante les problèmes. Il est indispensable de réintroduire de la diversité spécifique, variétale et génétique ainsi que de favoriser les prédateurs.
"Le débat est idéologique, pas scientifique." : Ce discours tente d'évacuer le politique du débat environnemental. Or, les choix agricoles sont intrinsèquement politiques. La science en soi n'est pas supposée être une idéologie mais elle est très largement instrumentalisée et sert une idéologie techno-solutionniste issue du complexe militaro-industriel. Par exemple, la science moderne a permis deux guerres mondiales, une grande extinction de masse, mais aussi d'évacuer totalement les postures épistémologiques, c'est à dire philosophiques et éthiques. On confond d'ailleurs souvent la fin et les moyens. La science est un moyen et non une fin : les débats sont à la fois scientifiques et idéologiques.
"Les pesticides sont évalués par des scientifiques indépendants." : Les agences d'évaluation s'appuient sur des données fournies par les fabricants. Des conflits d'intérêts sont d'ailleurs largement documentés.
"Ce sont les ONG écologistes qui propagent la peur : il faut rester rationnel." : Tentative de disqualification par l’attaque ad hominem. Les ONG s'appuient sur la littérature scientifique et les droits des citoyens à la transparence.
"Les produits phytosanitaires sont le fruit de la science." : Certes, mais toute science n'est pas bénigne. La science peut produire aussi bien le meilleur que le pire. L’enjeu est de questionner ses usages.
"L’innovation chimique est la clef d’une agriculture durable." : Inversion rhétorique : la durabilité repose sur la résilience écologique, pas sur l'artificialisation à outrance.


LE PSEUDO-RATIONALISME
"On fait peur aux gens avec des études biaisées ou alarmistes." : De nombreuses études publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture documentent les effets nocifs des pesticides. Crier à l'alarmisme décrédibilise injustement la recherche. Ce qui est alarmant, se sont les taux de cancer et la dégradation très rapide de la santé ainsi que la sixième grande extinction de masse de la biodiversité qui est beaucoup plus rapide que les précédentes pourtant déclenchées par des astéroïdes et des méga éruptions volcaniques. Ce qui biaise actuellement la recherche est sa privatisation au fil des décennies et des lois pluriannuelles de la programmation de la recherche.