
PESTICIDES - COMPOSITION & PERSISTANCE
COMPOSITION & MÉTABOLITES
Un pesticide, comme un médicament, contient une partie mineure d'une ou plusieurs substances actives, mais aussi de "phytoprotecteurs" (safners), d'agents synergistes (synergists), de co-formulants et des adjuvants. Bruxelles les définit comme suit :
- les synergistes : sont des substances ou des préparations qui accentuent la toxicité de la ou des substances actives d'un pesticide,
- les "phytoprotecteurs" des substances ou des préparations : sont ajoutés à un pesticide pour éliminer ou réduire les effets phytotoxiques du produit phytosanitaire sur certaines plantes (utilisés dans les insecticides et les fongicides),
- les co-formulants : sont des substances ou préparations qui ne sont ni des substances actives ni des "phytoprotecteurs" ou des synergistes,
- les adjuvants sont des substances ou des préparations qui consistent en des co-formulants ou des préparations contenant un ou plusieurs co-formulants, pour être mélangés par l'utilisateur avec un pesticide et qui améliorent son efficacité ou d'autres propriétés.
En moyenne, les fabricants déclarent une quinzaine de composants à un produit vendu mais la liste complète de la formule d'un produit vendu n'est pas publique. On ne connait qu'une partie de la formule : les fabriquants évoquant le secret des affaires et de fabrication. Le très peu d'études qui existent sur ce sujet mentionnent un plus grand nombre de substances.


SYNERGISTES, SAFNERS, COFORMULANTS, ADJUVANTS & SUBSTANCES ACTIVES
DES MILLIONS DE SUBSTANCES : DES TESTS IMPOSSIBLES
L'ensemble de la régulation et des évaluations (tests) faites par les fabricants ne portent que sur la substance active mais jamais sur la formule vendue qui contient pourtant un grand nombre d'autres substances visant à amplifier la toxicité des pesticides comme c'est le cas des synergistes.
En bref, en France, au cours des 70 dernières années, c'est plus de 1000 substances actives qui ont été autorisées, donnant lieu à, minimum minimorum, plusieurs dizaines de milliers de produits de dégradation, auxquels il faut ajouter des "phytoprotecteurs" (safners), des agents synergistes (synergists), des co-formulants, des adjuvants et le produits de traitement des eaux. Sans compter sur le fait que les substances actives, les métabolites et les coformulants interagissent entre eux, pour là aussi, donner encore d'autres substances : on parle de millions de substances.
En effet, comme le concèdent eux-mêmes les lobbys des pesticides, prendre en compte cette exposition diversifiée est impossible : "Si l’on calcule toutes les combinaisons possibles entre seulement 20 substances, on obtient déjà 1 048 576 de combinaisons différentes ! Pour 300 substances... les combinaisons possibles sont plus nombreuses que le nombre d’atomes dans tout l’univers."


SUBSTANCES ÉMERGEANTES & MÉTABOLITES
Chaque année, l’ANSES, en charge des évaluations d’autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits commerciaux, examine environ 2000 dossiers et 300 demandes d’autorisations sur le marché d’un nouveau produit commercial ou son renouvellement après réexamen.


Après leur application, ou dispersion volontaire dans la nature, les substances actives des pesticides (ou molécules-mères) se dégradent en plusieurs autres molécules appelées "métabolites" (ou molécules-filles). Ces métabolites sont issus de la dégradation d’une substance active, que ce soit par voie biologique (microorganismes, plantes, animaux,...) ou physico-chimique (ex. : hydrolyse, UV, températures, géographie...).
L'eau potable étant de surcroit potabilisé avec d'autres produits de traitement de l'eau, des "produits de transformations" sont générés par réaction avec la substance active et ses métabolites et les produits de traitement de l'eau. Un substance active donne donc lieu à plusieurs produits de dégradation métabolites et produits de transformation communément appelés métabolites.
Il est très complexe de dire le nombre de métabolites généré du fait de la complexité de la chimie organique et que chaque situation est unique. Il semble raisonnable de penser qu'une substance va donner au minimum lieu à 5 produits de dégradation (sans doute beaucoup plus compte tenu de la grande variabilité du Vivant et de la faiblesse des études sur ce sujet).
Et quand on parle de glyphosate, on parle en réalité d'au moins 6 grandes substances actives glyphosates différentes : glyphosate-isopropylammonium, glyphosate-monoammonium, glyphosate potassium, glyphosate-sodium, glyphosate-diammonium, glyphosate-sesquisodium, etc.
Lors des AMM, les fabricants évaluent parfois les potentiels métabolites et d'autres fois pas. Si cette évaluation n'est pas faite cela n'empêche nullement la mise sur le marché d'un grand nombre de substances.
Ainsi, chaque année, des centaines de métabolites (sans doute beaucoup plus) et/ou produits de transformation issus de ces substances actives, ne sont pas surveillés et même pas encore identifiés.
Par exemple le glyphosate, donne lieu à au moins 6 métabolites répertoriés : l'acide aminométhylphosphonique (AMPA), l'acide méthylphosphonique, l'acide N (phosphonométhyl) iminodiacétique (PMIDA), du N-méthylglyphosate, de l'acide hydroxyméthylphosphonique et de la bis- (phosphonométhyl) amine sur les cellules mononucléaires du sang périphérique humain (PBMC). Le S-métolachlore, quant à lui, donne au moins lieu à 9 métabolites référencés.
PERSISTANCE
Ce qui fait des pesticides un problème extrêmement grave, et différent de tous les autres, outre qu'ils provoquent des résistances, une extinction de masse et un empoisonnement global, est qu'ils persistent dans l'environnement de quelques siècles à l'éternité puisqu'ils sont " de synthèse", autrement dit créés par les humains, et ne sont donc pas biodégradables.
Dit de manière provocatrice : lorsque l'on rase une forêt, après quelques décennies, celle-ci aura repoussé et repris ses droits. En revanche, si vous empoisonnez massivement et durablement votre environnement, alors la vie sera altérée pour des périodes allant de quelques siècles à des périodes indéfinies, qui dépasseront l'achèvement de l'extinction actuelle, si les pesticides ne sont pas interdits très rapidement.
Les pesticides ne disparaissent pas après avoir été mis directement et volontairement dans la nature. Ils s'accumulent partout sur Terre, sont dilués pour aboutir à une contamination globale et diffuse. Lorsqu'un pesticide est épandu ou mis en enrobage de semences et que celui-ci entre en contact avec l'environnement, il change généralement d'état chimique et se transforme en sous - produits de dégradation des pesticides appelés métabolites.
DES PESTICIDES INTERDITS DEPUIS DES DÉCENNIES PARTOUT
Certains pesticides interdits depuis des décennies, en particulier les triazines, les organochlorés, les organophosphorés et les pyréthrinoïdes, présentent une persistance notable dans l'environnement et continuent d'imprégner une grande partie des eaux, de l'environnement et de la population française. Il existe entre autres des per- et polyfluoroakylées (PFAS) qui ont une persistance qui dépasse largement l'échelle humaine : ils sont dits éternels.
On retrouve d'ailleurs dans l'eau en France dans le Top 15 des pesticides et leurs métabolites : les organochlorés tels que le DDT et DDE des herbicides interdits en 1970 (50 ans), Lindane et ses métabolites (HCB, βHCH, αHCH) interdit en 1998, des triazines comme de l'Atrazine et de la Simazine, des désherbants interdits respectivement en 2001 et 2003, de l'Oxadixul un fongicide interdit en 2003, de l'éthidimuron un insecticide interdit en 2003, du terbuthylazine, un herbicide interdit en 2003 mais réautorisé en 2017, du 2,6-dichlorobenzamide : un herbicide interdit en 2009, et encore bien d'autres...
Il est difficile d'évaluer le nombre de métabolites et leur demi-vie parce que chaque situation est unique car chaque sol est unique : de par sa composition, à la fois biologique et minéralogique, les conditions environnementales uniques: température, hygrométrie, pression atmosphérique, l'histoire des pratiques humaines sur ce sol, l'usage de cocktails de pesticides ou pas, etc. Mais aussi parce que la chimie organique mêle interaction entre processus minéralogiques et processus biologiques, des niveaux d'organisation à toutes les échelles, à la fois moléculaire, quantique, thermodynamique et biologique. Enfin la chimie organique est très souvent imprévisible car elle repose sur des mécanismes multiples, avec des effets stériques, électroniques et catalytiques, ainsi que des réactions chaotiques et des réseaux de réactions interconnectées, comme dans le métabolisme cellulaire.


ET DANS LA QUASI-TOTALITÉ DE LA POPULATION FRANÇAISE
Les mesures de concentrations sériques et urinaires dans la population française indiquent que des métabolites du Lindane, du DDT et du DDE sont présents à l’état de traces chez la quasi-totalité des sujets. Le Lindane est détecté chez 7 % des individus. Les dialkylphosphates, métabolites communs à de nombreux insecticides organophosphorés, sont présents dans plus de 90 % des échantillons urinaires. Les métabolites des pyréthrinoïdes, 5 métabolites mesurés sont trouvés dans plus de 80 % des échantillons.
En Bretagne, une région à forte activité agricole, on a mesuré le niveau d’imprégnation des femmes enceintes aux herbicides comme l'atrazine et la simazine, et des insecticides organophosphorés d’usage agricole ou non agricole. Les résultats indiquent la présence de traces de ces pesticides dans la majorité des urines des femmes enceintes (44 molécules identifiées et quantifiées dans 1 à 84 % des échantillons). Les 10 molécules les plus fréquentes sont des métabolites d’insecticides organophosphorés. Des traces d’atrazine et de ses métabolites sont trouvées dans les prélèvements d’une minorité de femmes (5 %), reflétant la persistance environnementale des pesticides.
Comme l’utilisation de la plupart des molécules d’organochlorés a pratiquement disparue en France et en Europe dans les usages agricoles et domestiques, l’imprégnation de la population générale est essentiellement d’origine alimentaire via la consommation de poissons, viandes, lait et produits laitiers par suite de la bioaccumulation de ces molécules dans les graisses animales puisque les pesticides sont dits lipophiles.


ET DES POLLUANTS ETERNELS
La régulation des PFOA et des PFAS est en cours depuis plus de 20 ans aux USA et en Europe, Bruxelles emboitant le pas aux américains.
Ce sujet s'est imposé dans les médias, suite aux actions des Agences Fédérales et de l'Environnent (EPA) américaines dès les années 2000 (et dès 1990 pour les PFOA), qui, contrairement à Bruxelles, ont de puissants moyens pour faire condamner ces firmes hors-la loi.
Toutes les majors de la chimie sont concernées avec : Shandong Donyue (13%), Chemours (ex-DuPont) (12%), Daikin (11%), Solvay (8%), Arkema (7%), 3M (5%), AGC-Asahi Glass Co (3%), BASF (2%?).
Les secteurs qui consomment ces PFAS sont : le Transport (39%), l’Énergie & la Chimie (29%), l'Électronique (9%), l'Industrie Pharmaceutique & Alimentaire (5%), les Éléments de Cuisine (5%), le Textile & l'Architecture (4%), le Médical (1%) et autres (8%).
Les régulations à l'œuvre à Bruxelles, et donc, en France, ne concernent pas les PFAS dans les pesticides. Seuls environ 1% des PFAS viennent d'être régulés en 2025 en France et le seront au niveau Européen en 2027.
Pourtant, si on retrouve des PFAS partout sur Terre, c'est bien d'abord parce qu'on les épand volontairement et directement dans la nature depuis des décennies sous la forme de pesticides.

