
LES COPs CLIMAT & BIODIVERSITÉ
COP 16 CALI - CONFÉRENCE DES PARTIES SUR LA BIODIVERSITÉ
Lors de la COP16 sur la biodiversité, tenue à Cali, Colombie, en 2024, les discussions sur la surveillance de l'utilisation des pesticides ont été particulièrement controversées.
L'industrie agrochimique, notamment par l'intermédiaire de CropLife International avec la présence de M. Dominic Muylermans, Vice-président et conseiller juridique et de M. Christoph Neumann, Vice-président exécutif des politiques agricoles, a joué un rôle actif dans les négociations. CropLife International est le lobby international de l'industrie des "sciences" végétales : les fabricants de pesticides et de semences génétiquement modifiées. Basé à Bruxelles, CropLife regroupe BASF, Bayer CropScience, Coreva Agriscience, FMC Corporation, Syngenta, Sumitomo Chemical. Présent à la COP 16, CropLife a exprimé des préoccupations concernant certains indicateurs proposés, arguant qu'ils auraient "des impacts négatifs sur l'agriculture et la sécurité alimentaire et a soutenu que l'indicateur basé sur la toxicité totale appliquée ne reflétait pas adéquatement les efforts de gestion des risques et pourrait entraîner des conséquences indésirables." CropLife a ainsi bloqué un accord sur le cadre de surveillance de la COP16, en particulier en ce qui concerne les indicateurs de suivi de l'utilisation des pesticides.
Matthias Berninger, vice-président exécutif en charge des Affaires Publiques (lobbying) et de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) chez Bayer, a lui aussi activement participé à la COP16. Lors de cette conférence, il a souligné l'importance de l'engagement du secteur privé dans la conservation de la biodiversité et a également mis en avant l'implication de Bayer dans des initiatives telles que la coalition LEAF, qui réunit des gouvernements et des entreprises pour mobiliser des fonds en faveur de la protection des forêts tropicales.
La participation de Bayer à la coalition LEAF illustre un phénomène de détournement de l'attention à la fois de son rôle et de la cause de l'extinction de masse en plus de se positionner comme protecteur de la nature. L’idée est de s’asseoir à la table des négociations et de faire partie des solutions, ne pas être désigné comme le problème, mais aussi pour influencer les critères de financement de la protection de la nature.


Depuis plusieurs années, des entreprises et des lobbys de l’agro-industrie, y compris Bayer, Syngenta, Yara, Corteva et leur principal faux nez CropLife International, participent officiellement aux Conférences des Parties (COP), en tant qu’observateurs accrédités ou membres de délégations nationales. À la COP28 à Dubaï et dans les travaux préparatoires de la COP29, on a constaté une présence massive des représentants de l’agriculture industrielle, souvent plus nombreuse que celle de certains États ou des peuples autochtones.
De plus, des pavillons entiers aux COP sont sponsorisés par des groupes agroalimentaires ou agrochimiques, qui organisent des panels, des ateliers ou des démonstrations technologiques. Cela leur permet d’occuper l’espace médiatique et symbolique de la “transition agricole”, tout en détournant l’attention de leur rôle dans la crise écologique.


UNFCC - CONVENTION CADRE SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES
La CCNUCC est l’organe des Nations Unies chargé de coordonner la réponse mondiale au changement climatique, notamment en organisant les Conférences des Parties (COP) où les États négocient les engagements climatiques.
Les liens entre l’industrie agrochimique et la CCNUCC sont réels, croissants et stratégiquement positionnés. Bien qu’il ne s’agisse pas de partenariats formels comme avec la FAO ou la FAO–CropLife, l’agrochimie intervient de plus en plus activement dans les COP climat mais aussi à travers la participation aux négociations, le financement d’événements parallèles, et l’influence sur les récits dominants liés à l’agriculture et aux solutions climatiques.
Ces acteurs prennent part à des discussions sur l’agriculture et le climat, notamment à travers le programme "Koronivia Joint Work on Agriculture" (aujourd’hui remplacé par le Sharm el-Sheikh joint work on implementation of climate action on agriculture and food security). Le contenu de ces discussions est souvent influencé par des propositions favorables à une agriculture technologique et “climate-smart”, c’est-à-dire compatible avec les pesticides.
L’un des canaux d’influence les plus importants est le récit selon lequel l’agriculture industrielle, ses intrants chimiques, ses semences brevetées et ses pratiques de gestion intensive serait capable de contribuer à l’atténuation du changement climatique. Ce discours promeut des solutions dites “fondées sur l’innovation” ou “sur la nature”, comme l’agriculture régénérative (qui nécessite des pesticides), la digitalisation des fermes, ou l’utilisation de biotechnologies.
Ce narratif évacue systématiquement la question des pesticides, de la déforestation liée aux monocultures, et des émissions indirectes du système agroalimentaire mondial. Il occulte également les véritables alternatives écologiques, comme l'agriculture biologique, influe sur les cadres narratifs et bloque les décisions en matière de transformation agricole.
Plusieurs initiatives accueillies ou coorganisées dans le cadre de la CCNUCC — comme l’Agricultural Innovation Mission for Climate (AIM4C), lancée par les États-Unis et les Émirats Arabes Unis — intègrent directement des entreprises de l’agrochimie comme partenaires, sponsors ou contributeurs. Bayer, Syngenta ou Corteva y présentent leurs produits comme des leviers de décarbonation de l’agriculture, sans remise en question du modèle industriel.

