PESTICIDES - LES SUBSTANCES ACTIVES PRINCIPALES

LE Glyphosate

Le glyphosate tient son nom de la glycine dont il est inspiré et du phosphore (phosphonates), ce qui fait de lui un organophosphoré.

Il est en effet fréquent de la part des chimistes de s'inspirer de substances actives existantes dans la nature. Il fut inventé dans les années 50, par Henri Martin, un chimiste Suisse travaillant pour la société Cilag, filiale du chimiste américain Johnson & Johnson.

Fruit d'une recherche sur les gaz de combat entamée lors de la Seconde Guerre mondiale, les pesticides organophosphorés, comme le glyphosate, se sont substitués dans les années 1970 au DDT un autre pesticide organophosphoré, faisait l'objet d'interdictions grâce aux alertes de Rachel Carson, fondatrice de l'écologie moderne.


C'est un herbicide total à large spectre qui a pour effet de détruire certains acides aminés (des protéines indispensables à la constitution de toute cellule vivante), provoquant ainsi une déshydratation importante, dont le jaunissement caractéristique est visible à l'œil nu.

Le glyphosate est dans le domaine public depuis les années 2000 et il existe aujourd'hui plus de 1000 produits contenant du glyphosate et des dizaines de fabricants différents. Les fabricants principaux sont Bayer Cropscience, Syngenta (Adama), Nufarm, UPL et Excel Crop Care.

Entre 2008 et 2023, 128 175 707 kilos de glyphosate ont été vendu en France, soit un potentiel de toxicité de plus de 197 millions équivalents humains morts. Jusqu'en 2021, le glyphosate est le pesticide le plus vendu en France en quantité. Il est dépassé en 2022 par un autre herbicide, le prosulfocarbe, beaucoup plus toxique et souvent considéré comme le nouveau glyphosate, ce dernier étant de moins en moins efficace par le développement des résistances provoqués par l'utilisation des pesticides.

Le glyphosate est toxique au niveau cellulaire en détruisant la biosynthèse des acides aminés et des protéines ce qui fait de lui aussi un antibiotique (c'est à dire qu'il est aussi toxique pour les microorganismes comme les bactéries).

Pendant plus de 50 ans, et encore aujourd'hui, le glyphosate est central dans l'écosystème de l'agrochimie, puisque Monsanto, aujourd'hui Bayer, a développé plus de 90 variétés de cultures résistantes au glyphosate permettant donc de désherber chimiquement en plein cycle de culture.


En France, ou ce type de semences ne sont pas autorisées, le glyphosate est principalement utilisé pour désherber en intercultures en grandes cultures et pour la dessiccation, mais aussi dans l'ensemble des filières agricoles pour le désherbage, alors qu'il est tout à fait possible de désherber mécaniquement comme cela a été fait pendant des millénaires.

Aussi, le glyphosate étant la clé de voute du système Bayer et de ses semences résistantes au glyphosate (Round-up ready) notamment, l'agrochimie a échafaudé une stratégie visant à le rendre absolument indispensable.


Pour cela, Bayer a massivement investi la recherche scientifique afin que cette dernière détourne l'attention en mettant l'accent sur l'idée que ce qui détruirait les sols agricoles serait d'abord les labours, puis le réchauffement climatique, alors que le glyphosate étant un herbicide, c'est à dire une substance créée spécialement pour tuer du vivant, est évidemment infiniment plus toxique que quoi que ce soit d'autre.

Cette stratégie de détournement de l'attention prend la forme de l'agriculture "régénérative" ou "Agriculture de conservation des sols - ACS" ou "agriculture de précision" ou "Carbon Farming" qui utilisent toutes du glyphosate et n'ont donc rien d'écologique.

L'OXAMYL

L’oxamyl appartient à la grande famille des carbamates, des pesticides inspirés à l’origine de molécules capables d’inhiber certains processus nerveux chez les insectes. Synthétisé dans les années 1960 par les chimistes de DuPont, il s’inscrit dans une vague d’innovation qui cherchait à remplacer les organophosphorés, comme le DDT, jugés trop persistants et trop étroitement associés à la chimie de guerre. L’oxamyl était alors présenté comme une solution plus moderne, plus ciblée, et surtout plus polyvalente.

Il devient rapidement l’un des nématicides les plus utilisés au monde, tout en conservant des propriétés d’insecticide et d’acaricide. Son efficacité repose sur l’inhibition de l’acétylcholinestérase, une enzyme essentielle au fonctionnement du système nerveux des organismes vivants. En bloquant ce mécanisme, l’oxamyl provoque une paralysie progressive et une mort rapide. Cette action systémique lui confère une redoutable efficacité.

Commercialisé sous la marque Vydate, l’oxamyl est pendant plusieurs décennies un pilier de l’agriculture intensive, notamment dans les cultures comme les légumes, la pomme de terre, le coton ou certaines productions fruitières.

Sa toxicité aiguë est particulièrement élevée : comme tous les carbamates, il affecte profondément le métabolisme nerveux, mais il se distingue par une vitesse d’action et une biodisponibilité supérieures à beaucoup de composés comparables. Il a ainsi été impliqué dans de nombreuses intoxications, accidentelles ou volontaires, notamment chez les travailleurs agricoles, ce qui a conduit plusieurs pays à restreindre son utilisation ou à en interdire certaines formulations.

Comme le glyphosate ou le phosphure d’aluminium dans leurs domaines respectifs, l’oxamyl est devenu un élément structurant d’un modèle agronomique fondé sur la lutte chimique systématique. Les industries de l’agrochimie, conscientes de l’importance stratégique de ce nématicide, ont largement soutenu sa place dans les itinéraires techniques. Elles ont développé et promu des variétés de cultures sensibles aux nématodes tout en affirmant que la protection chimique était indispensable, renforçant ainsi la dépendance agricole au produit.

L’argumentaire industriel s’est appuyé sur l’idée que les dommages causés par les nématodes imposaient une gestion préventive permanente. En détournant l’attention des solutions alternatives, telles que les rotations de cultures, une diversification des variétés, des méthodes biologiques, l’agrochimie a entretenu l’idée que seul un pesticide aussi puissant que l’oxamyl pouvait garantir une productivité suffisante.

LE PHOSPHURE d'ALUMINIUM

Le phosphure d’aluminium tire son nom de sa composition chimique simple, un composé du phosphore et de l’aluminium, qui, au contact de l’humidité ou de l’eau, libère du phosphine, un gaz hautement toxique. Comme de nombreux pesticides minéraux ou métalliques du XXᵉ siècle, il est né d’une chimie de guerre et de stockage, avant de trouver sa place dans l’agrochimie moderne comme fumigant.

Il fut développé à partir des années 1930–1940, à une époque où les États cherchaient des méthodes efficaces pour protéger les stocks de céréales contre les insectes ravageurs. Contrairement aux pesticides organophosphorés inspirés de molécules naturelles, le phosphure d’aluminium appartient à une autre lignée : celle des pesticides inorganiques capables de libérer un gaz létal dans un espace confiné. Sa diffusion industrielle s’accélère dans les années 1950–1960, alors que les besoins de conservation des denrées alimentaires explosent avec l’essor des échanges mondiaux.

C’est un insecticide fumigant particulièrement puissant : en se décomposant, il libère du phosphine, un gaz qui perturbe la respiration cellulaire des organismes vivants. Quelques parties par million suffisent pour tuer insectes, larves et rongeurs dans des silos à grains, provoquant un effondrement métabolique brutal. Sa létalité est telle qu’il est classé parmi les pesticides les plus dangereux au monde, responsable de nombreuses intoxications accidentelles et parfois criminelles, ce qui lui vaut une surveillance étroite dans la plupart des pays.

Aujourd’hui encore, bien qu’il s’agisse d’une molécule ancienne et tombée depuis longtemps dans le domaine public, le phosphure d’aluminium est commercialisé par de multiples fabricants. On le retrouve dans des dizaines de formulations destinées à la fumigation de céréales stockées, notamment parce qu’il ne laisse pas de résidus solides dans les denrées, contrairement à d’autres insecticides. Les grands groupes de l’agrochimie ont longtemps dominé ce marché, avant que de nombreux génériqueurs ne s’y engouffrent.

Entre les années 2000 et aujourd’hui, il figure régulièrement parmi les fumigants les plus vendus dans le monde pour la protection post-récolte. Sa popularité s’explique par une efficacité redoutable. Pourtant, sa toxicité aiguë est telle que plusieurs pays ont renforcé les restrictions d’usage, rendant sa manipulation strictement réservée à des opérateurs formés et protégés.

Le phosphure d’aluminium agit au niveau cellulaire en bloquant la chaîne respiratoire et en générant massivement du stress oxydatif : un mécanisme comparable à celui de certains gaz toxiques industriels. De fait, ce produit n’est pas seulement un insecticide : c’est une substance qui tue pratiquement tout organisme aérobie, de la bactérie à l’être humain.

Dans l’e système de l’agrochimie, il occupe une place stratégique : indispensable à la conservation des volumes colossaux de céréales produites mondialement, il a permis de sécuriser des chaînes d’approvisionnement entières. Les grands acteurs du secteur l’ont utilisé pour soutenir le modèle du stockage massif, présenté comme inévitable pour nourrir les populations croissantes. Ainsi, la dépendance au phosphure d’aluminium a été entretenue par une rhétorique mettant en avant la lutte contre le gaspillage alimentaire, alors même que son usage répandu implique une exposition systémique à un toxique majeur.

Bien que des méthodes non chimiques existent l’industrie a souvent privilégié les solutions rapides et peu coûteuses. Le phosphure d’aluminium est ainsi devenu la clé de voûte d’un modèle agricole et logistique fondé sur la fumigation de masse, un modèle qui se présente comme moderne et rationnel mais qui reste profondément dépendant d’une substance extrêmement dangereuse pour le vivant.

LE PROSULFOCARBE

Le prosulfocarbe appartient à la famille des thiocarbamates, une lignée de molécules conçues à partir des années 1950–1970 pour cibler la germination des adventices dans les grandes cultures. Il est développé à l’origine par la firme britannique ICI (Imperial Chemical Industries), avant de passer dans le giron de Syngenta lors des grandes restructurations de l’industrie chimique européenne.

Il agit principalement en inhibant la division cellulaire, empêchant la formation de nouveaux tissus. Bien qu’ancien, il est devenu plus récemment un outil majeur de la lutte contre les graminées et dicotylédones devenues résistantes à d’autres herbicides, en particulier au glyphosate et aux inhibiteurs de l’ALS.

La montée des résistances lui redonne une importance stratégique. En France, il se hisse au rang de deuxième herbicide le plus vendu, puis devient en 2022 le premier en volume, supplantant le glyphosate dans un contexte d’efficacité décroissante de ce dernier. L’agrochimie met alors en avant la nécessité de renouveler les matières actives pour « préserver les rendements » des grandes cultures, justifiant ainsi l’usage massif de prosulfocarbe dans les itinéraires techniques d’automne et d’hiver.

Pourtant, le prosulfocarbe n’est pas sans controverse. Il est extrêmement volatil et mobile et plus toxique que le glyphosate.