LOBBIES

CEFIC - CONSEIL EUROPÉEN DE L'INDUSTRIE CHIMIQUE

Le CEFIC (Conseil européen de l'industrie chimique), fondé en 1972, est la principale organisation représentant l'industrie chimique européenne. Basé à Bruxelles, il regroupe environ 29 000 entreprises, allant des multinationales aux PME, et se positionne comme un acteur clé dans l'élaboration des politiques industrielles de l'Union européenne. Parmi eux figurent des multinationales telles que BASF, Bayer, Dow, ExxonMobil Chemical, Shell Chemicals, Solvay, Arkema, des associations nationales telles que France Chimie (France), Verband der Chemischen Industrie (VCI) (Allemagne) et des associations partenaires telles que CropLife Europe, Fertilizers Europe, SYPRODEAU (traitement de l'eau), Phyteis (le lobby français des pesticides), etc.

Le CEFIC est reconnu comme l'un des lobbys les plus influents à Bruxelles. Selon le registre de transparence de l'UE, il a dépensé près de 10 millions d'euros en lobbying en 2020, avec plus de 40 personnes dédiées à ces activités. Cette influence s'exerce notamment à travers des rencontres régulières avec des commissaires européens, des membres de leurs cabinets et des directeurs généraux.

Le CEFIC utilise diverses stratégies pour influencer les politiques européennes :

- Plaidoyer pour la compétitivité : il met en avant les coûts élevés des réglementations environnementales, estimant que l'UE dépense plus de 20 milliards de dollars par an pour se conformer aux normes écologiques, ce qui affecterait la compétitivité des entreprises européennes.
- Participation aux consultations publiques : le CEFIC soumet régulièrement des avis et des propositions lors des consultations sur les politiques chimiques, telles que le règlement REACH.
- Collaboration avec d'autres associations : il travaille en étroite collaboration avec des associations nationales et sectorielles pour renforcer son influence.

Le CEFIC a été critiqué pour son manque de transparence. En 2009, la Commission européenne a suspendu son enregistrement au registre des lobbies pendant huit semaines, estimant que les dépenses déclarées en lobbying étaient sous-évaluées. De plus, certains ONG et observateurs ont accusé le CEFIC de chercher à affaiblir les réglementations environnementales, notamment en retardant la révision du règlement REACH.

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CROPLIFE - Lobby International des pesticides

CropLife International est la fédération mondiale des entreprises de l’agrochimie. Elle regroupe les géants mondiaux du secteur : Bayer, BASF, Syngenta (ChemChina), Corteva, FMC, ADAMA, et d'autres acteurs majeurs de la fabrication de pesticides, de semences génétiquement modifiées et d’intrants agricoles industriels. Fondée dans les années 2000 comme héritière d’anciens regroupements professionnels, CropLife agit comme un véritable bras armé de l’agrochimie à l’échelle internationale, au service d’un modèle d’agriculture industrielle fondé sur la dépendance chimique, la standardisation biologique et le contrôle des semences.

CropLife International est présente dans de nombreuses instances internationales, souvent sous statut d'observateur ou d'organisation accréditée. Elle est notamment partenaire officiel de la FAO depuis la signature controversée d’un protocole d’accord en 2020. Ce partenariat a immédiatement suscité l’indignation de nombreuses ONG, chercheurs et peuples autochtones, car il revient à accorder une légitimité institutionnelle au principal lobby des pesticides au sein même de l’agence de l’ONU censée guider les transitions agricoles vers la durabilité. CropLife participe également aux travaux du PNUE, notamment dans les discussions sur les produits chimiques et les polluants persistants, et elle intervient activement dans les espaces de négociation des COP climat et biodiversité, au sein de la CCNUCC et de la CDB. Elle est accréditée dans les espaces de l’IPBES et dans les groupes de travail techniques de plusieurs programmes liés à l’environnement, souvent sans que son rôle soit clairement signalé au public.

Ce réseau d’influence fonctionne comme une stratégie de capture réglementaire : en étant reconnue comme interlocuteur légitime, CropLife peut façonner le langage des institutions, diluer les critiques sur les pesticides dans des discours vagues sur la “pollution” ou la “productivité durable”, et promouvoir des solutions technologiques labellisées “vertes” (telles que l’agriculture régénérative, la biotechnologie ou la digitalisation) qui permettent de préserver les marchés des intrants chimiques sous une nouvelle bannière. L’objectif est clair : rendre l’agrochimie compatible avec l’agenda de la transition, en évitant une remise en cause systémique de ses produits.

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CropLife joue un rôle central dans la construction d’un faux consensus scientifique et politique autour des pesticides. Elle sponsorise des études, finance des plateformes de communication, forme des experts et place des représentants dans les groupes de travail internationaux. Elle intervient aussi dans les processus de normalisation technique (ISO, Codex Alimentarius, etc.) et tente de réécrire les normes d’évaluation des risques au bénéfice de ses membres. Derrière son image d’acteur de “l’innovation agricole”, CropLife est donc le faux-nez de l’industrie chimique mondiale, un lobby conçu pour maintenir un système de production écologiquement destructeur, tout en apparaissant comme un partenaire de la “transition durable”, faisant partie des solutions et s'assoyant à la table des négociations. 

Les agences onusiennes multiplient les partenariats public-privé et où la financiarisation de l’agriculture progresse, CropLife s’impose comme un acteur clef du blocage. Son pouvoir ne réside pas uniquement dans les décisions qu’elle empêche, mais dans celles qu’elle formate : en participant aux cadrages, aux indicateurs et aux récits dominants.

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PHYTEIS - UNION DES INDUSTRIES DE LA PROTECTION DES PLANTES

Phyteis, anciennement UIPP, est le lobby de l’agrochimie en France. Fondée en 1918, elle a changé de nom en 2022 dans une tentative de modernisation de son image, passant d’un syndicat de “pesticides” à un acteur prétendant participer à la “transition agroécologique”. Mais derrière cette stratégie de communication se maintient une logique industrielle ancienne : défendre la commercialisation et l’usage massif de produits phytosanitaires en France, quel qu’en soit le coût écologique ou sanitaire.

L’organisation regroupe 18 entreprises, dont les plus puissantes du secteur : Bayer, BASF, Syngenta, Corteva, FMC, ADAMA, UPL, etc. Ensemble, elles couvrent environ 90 % du marché français des produits phytosanitaires. Son conseil d’administration est composé de hauts responsables de ces groupes, avec un président issu de Bayer France. Autrement dit, Phyteis agit comme le bras français du cartel agrochimique mondial, en lien étroit avec CropLife Europe et CropLife International, les deux grands lobbys européens et mondiaux de l’industrie des pesticides.

Phyteis exerce une influence directe sur les politiques agricoles et sanitaires françaises. Elle est régulièrement auditionnée dans les commissions parlementaires, participe aux consultations des ministères, et dispose d’un accès privilégié au ministère de l’Agriculture. Lors des débats sur la loi Egalim, elle a été accusée d’avoir fourni des chiffres alarmistes (non vérifiés) sur les pertes d’emplois et les conséquences économiques d’une interdiction des substances actives produites en France. Ces données ont été largement reprises dans les débats politiques, au point d’influencer les amendements et de retarder certaines restrictions environnementales. En 2020, un signalement de plusieurs ONG a conduit le Sénat à mettre Phyteis en demeure pour manquement à l’obligation de transparence, soulignant une tentative manifeste de désinformation.

Plus largement, Phyteis s’inscrit dans une stratégie de capture réglementaire. Elle intervient dans les consultations de l’Anses, dans la rédaction ou l’interprétation de normes techniques, et dans la pression exercée sur l’évaluation des substances toxiques. Elle s’oppose régulièrement à la création de zones de non-traitement autour des habitations, minimise les effets des pesticides sur la biodiversité ou la santé publique, et promeut un discours qui insiste sur “la souveraineté alimentaire”, “la science” ou “l’innovation” : un lexique soigneusement calibré pour aligner les intérêts économiques de ses membres avec des préoccupations publiques.

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Sa communication s’est sophistiquée : elle ne se contente plus de défendre les pesticides, mais se présente comme partenaire des agriculteurs pour la transition écologique, intégrant le vocabulaire de la “bioprotection”, des “biosolutions” ou de “l’agriculture durable” et se présentant comme indispensable dans le cadre de l'adaptation au réchauffement climatique. Pourtant, dans les faits, Phyteis continue de défendre un modèle basé sur l’usage intensif de molécules chimiques et agit tel le bras armé de l'agrochimie. Elle agit pour retarder ou édulcorer les décisions réglementaires françaises et européennes, en collaborant étroitement avec des think tanks, cabinets de lobbying, et même parfois des relais dans les syndicats agricoles comme la FNSEA.

COPA-COGECA - ORGANISATIONS AGRICOLES ET COOPÉRATIVES DE L'UNION EUROPÉENNE

Le COPA-COGECA, regroupement des principales organisations agricoles et coopératives de l'Union européenne, exerce une influence considérable sur les politiques agricoles européennes. Bien qu'il se présente comme la voix de plus de 22 millions d'agriculteurs, il est souvent critiqué pour représenter principalement les intérêts de l'agriculture industrielle et de l'agrochimie, au détriment des pratiques biologiques.

Le COPA-COGECA est né de la réunion de deux organisations distinctes: le COPA (Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne) a été fondé le 6 septembre 1958, soit quelques mois après la création de la Communauté économique européenne (CEE) et le COGECA (Confédération générale des coopératives agricoles de l’Union européenne) a été créé en 1962. Les deux organisations ont fusionné leurs secrétariats en 1962, bien qu’elles gardent des structures juridiques distinctes. Depuis, le COPA-COGECA agit comme le principal lobby agricole européen. Ce rapprochement s’est fait dans le contexte de la mise en place de la Politique agricole commune (PAC), et leur influence n’a cessé de croître depuis.

En effet, cette organisation dispose d'un accès privilégié aux institutions européennes. Par exemple, au sein de groupes de travail de la Direction générale de l'agriculture de la Commission européenne (DG AGRI), le COPA-COGECA occupe une position dominante, présidant plusieurs groupes et y détenant une influence significative. De plus, la Commission européenne prend en charge les frais de déplacement de ses représentants nationaux pour les réunions d'experts, renforçant ainsi leur présence institutionnelle.

Le COPA-COGECA a également été actif dans le lobbying contre certaines initiatives environnementales de l'UE. Il a exprimé des préoccupations concernant la stratégie "De la ferme à la table" (Farm to Fork), arguant que ses objectifs de réduction des pesticides pourraient nuire à la compétitivité des agriculteurs européens. Des critiques ont souligné que le COPA-COGECA a utilisé des études financées par l'industrie pour soutenir ses positions, remettant en question l'objectivité de ses arguments.

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De plus, le COPA-COGECA a soutenu la réautorisation du glyphosate, un herbicide controversé, en affirmant sa sécurité et son efficacité, malgré les préoccupations environnementales et sanitaires soulevées par de nombreuses études scientifiques. L'organisation a également été impliquée dans le financement et la promotion d'études d'impact, souvent réalisées par des institutions financées par l'industrie, pour contester les effets potentiellement négatifs des politiques environnementales de l'UE sur la production agricole. Ces études ont été utilisées pour influencer les décideurs politiques et retarder la mise en œuvre de réformes environnementales.

Le COPA-COGECA a utilisé des événements géopolitiques, tels que la guerre en Ukraine, pour justifier des demandes de révisions ou de retards dans les politiques environnementales de l'UE, arguant que ces politiques pourraient compromettre la sécurité alimentaire en Europe.

En réponse aux protestations des agriculteurs en 2024, le COPA-COGECA a rencontré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et a obtenu des concessions, notamment des exemptions temporaires à certaines exigences environnementales de la Politique agricole commune (PAC). Ces développements illustrent la capacité du COPA-COGECA à influencer les décisions politiques au plus haut niveau.

FNSEA - FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS D’EXPLOITANTS AGRICOLES

Depuis sa fondation en 1946, la FNSEA s’est construite comme la colonne vertébrale du pouvoir agricole en France. Née dans le sillage de l’épuration du syndicalisme pétainiste, elle a su capter, structurer et verrouiller l’ensemble des institutions agricoles françaises, des chambres d’agriculture jusqu’aux relais locaux de la Politique agricole commune (PAC). À l’origine, elle se voulait représentative de tous les exploitants. Mais très vite, elle est devenue le porte-voix quasi-exclusif des intérêts de l’agriculture intensive et de la grande exploitation.

Sa puissance tient moins à son nombre d’adhérents qu’à son enracinement institutionnel. Elle contrôle l’écrasante majorité des chambres d’agriculture, y compris dans des territoires où les pratiques paysannes ou écologiques sont majoritaires. À travers ce réseau, la FNSEA agit comme une courroie de transmission entre les exigences des marchés agricoles mondialisés, les politiques publiques et les outils techniques et économiques mis à disposition des exploitants. Mais derrière l’image du syndicat agricole, elle fonctionne comme un lobby structuré, idéologique, et corporatiste, dont les lignes de défense sont celles de l’agrochimie, du productivisme et de la dérégulation environnementale.

La FNSEA concentre de multiples conflits d’intérêts dans ses rangs, puisque nombre de ses cadres (notamment les présidents de chambres d’agriculture) cumulent également des fonctions clés dans des coopératives agroalimentaires, des sociétés d’irrigation, des syndicats d’eau, des instances locales de gestion foncière, quand ils ne sont pas maire ou membres de conseils municipaux, de communautés de communes et d'inter communalités, et/ou siègent encore au sein de conseils d’administration de banques comme le Crédit Agricole, brouillant ainsi la frontière entre représentation syndicale, intérêts industriels et gestion publique.

Le pouvoir de la FNSEA se traduit dans un discours soigneusement entretenu sur la “modernité” agricole, toujours synonyme de machines plus puissantes, de substances chimiques plus performantes, d’exploitation accrue des sols, des bêtes, et des humains. Loin d’être un simple soutien aux agriculteurs, la FNSEA agit comme un verrou contre la transition écologique, en contestant systématiquement les restrictions sur les pesticides (glyphosate, néonicotinoïdes, etc.), les propositions de réforme de la PAC vers une orientation plus sociale ou environnementale, la réglementation sur l’eau, les nitrates, les ZNT (zones de non traitement), et plus largement, toute tentative de transformation de l’agriculture hors du modèle de l’agro-industrie.

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Son influence dépasse les frontières nationales. Membre actif du COPA-COGECA, elle contribue à orienter les positions du plus grand lobby agricole européen, en étroite collaboration avec les industriels des intrants chimiques, des coopératives agroalimentaires et des semenciers. Ce sont les intérêts de Bayer, BASF, Syngenta et Corteva qu’on retrouve dans les argumentaires de la FNSEA : discours sur la "sécurité alimentaire", appel au "pragmatisme", refus du "dogmatisme écologique", instrumentalisation de la guerre en Ukraine pour justifier la régression environnementale.

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Sous prétexte de défendre les agriculteurs, elle occulte les causes profondes de la détresse paysanne : endettement, dépendance aux intrants, technique et financière, concentration foncière, effondrement de la biodiversité, maladies. Elle alimente l’idée que le progrès passe nécessairement par la chimie, la productivité et l’obéissance aux marchés.

La FNSEA est à comprendre non pas comme une organisation syndicale classique, mais comme un pouvoir opaque, disposant d’un accès direct aux ministères, influençant les arbitrages gouvernementaux, imposant sa lecture de la “réalité agricole” à travers les médias et l’appareil d’État. Elle parle au nom des agriculteurs, mais défend l’agro-industrie. Elle revendique la terre, mais oublie les vivants qui la cultivent autrement.